série : Les VANITÈS (1999)
On peut considérer un crâne humain comme une sorte de petite planète dont il serait intéressant de photographier les phases (comme celles de la lune), en le faisant tourner sur lui-même, dans toutes les directions.
Parmi toutes les vues obtenues, un angle précis de lecture est particulièrement troublant ; c’est celui où le crâne montre la plus belle sphéricité de son volume, une position 3/4 arrière où toute se résume à une boule, avec les seules sutures inscrites sur sa surface. Une position cardinale où le crâne cesse de crâner pour (re) devenir comme un petit astéroïde, prêt pour un long retour dans le cosmos…
J’ai eu la chance de pouvoir accéder aux réserves de l’Institut d’Anatomie Normale de la Faculté de Médecine de Strasbourg dont les placards regorgent de » bouts d’aïeux « . Comme un mendiant dans les stocks d’or de la banque de France, il m’était quasiment impossible de choisir parmi tous ces milliers de crânes ! Pourquoi choisir ceux-là et pas les autres ? Du pur subjectif, à destination d’un…objectif.
La prise de vue fut délicate ; Comme je ne désirais aucune ombre portée, je posais les crânes sur une table lumineuse (fond blanc pur) et je les éclairais par un néon circulaire entourant l’objectif. Le tirage fut standard si ce n’est le choix d’un papier mat pour accorder une » distance » à ces crânes. Je les ai également juste un peu réchauffés avec un léger virage sépia puis des douces colorations osseuses, comme pour une sortie de gala.
La mort est minérale, de la poussière en puissance. Cette conviction me libère de la propagande des curés et de toutes leurs brochures illustrées de paradis sucrés ou de métempsycoses en quadrichromie.
Retourner d’où je viens, c’est-à-dire vers les étoiles, voila un magnifique avenir. Graviter toute une éternité, partout , quel projet excitant ! Mon crâne serait donc un astéroïde en formation ? Je suis d’accord. Je signe où ? Je pars quand ?
La présence d’un crâne dans une œuvre symbolise la globale futilité de nos gestes ici-bas. Je n’ai pas voulu échapper à la règle en cherchant une autre signification ou autre titre pour ma série » les Vanités « , mais il m’importe de dire que, au Grand Magasin des Vanités, je n’ai livré que des cailloux…
14 éléments 60×60 cm. Épreuves au chlorobromure d’argent avec virage et colorations. Marouflés sur aluminium.
The human skull can be seen as a sort of small planet, of which it would be interesting to photograph its phases, like those of the moon, by turning it on itself in all directions. Of all the views of it, one angle is particularly disturbing, the one where the skull presents its most perfectly spherical aspect, a back view where the whole thing looks like a ball, marked only by the sutures inscribed on its surface. A cardinal position where « le crâne cesse de crâner », literally the skull loses all its swagger and becomes (again) a little asteroid, ready for its long journey back to the cosmos….
I was granted access to the stores at the Institute of anatomy at the Strasbourg Faculty of medicine, where there is a plethora of scraps from our forebears. I felt as a beggar would, let loose in the gold reserves at the Bank of France ; it was almost impossible for me to choose from all those thousands of skulls ! Why choose those and not all the others? Shooting was a delicate affair. I did not want any shadows, so I placed the skulls on a luminous table (pure white background) and lit them with a circular neon light surrounding the lens. Printing was standard, apart from the choice of mat paper to give « distance » to the skulls. However, I added a touch of warmth by giving them a slight sepia tone and some soft bony colouring, as if dressing them up for a big occasion.
Death is mineral, dust in the making. This belief frees me from the propaganda of priests and all their brightly coloured brochures on saccharine paradises or the transmigration of souls in full colour.
To go back to where I came from, to the stars, is a magnificent prospect. To gravitate for eternity, anywhere I want, what an exciting project ! So my skull is becoming an asteroid? That’s fine by me. Where do I sign? When can I start ? The presence of a skull in a work of art symbolises the futility of our earthly actions. I did not intend to sidestep the rule by trying to find another meaning or another title for my series Les Vanités, but I do want to say that, at the big Superstore of Vanities, I delivered nothing but pebbles…
14 elements 60 x 60 cm. Silver chlorobromide prints with toning and colouring.