Procédé photographique par excellence durant une poignée d’années (1839-1860), son triomphe ne dura pas et ce n’est plus aujourd’hui qu’une technologie obsolète, caduque. Celui qui n’a jamais » vu » un Daguerréotype ne peut imaginer la magnificence de son langage. Par définition, toute duplication photographique d’un daguerréotype n’est pas un daguerréotype. Ce n’est pas dans les reproductions de ce livre que brillera l’éclat de son aura. Sur ces pages de papier, n’apparaissent que des pauvres ersatz.
Comment expliquer ce qu’est un daguerréotype ? Je pourrais me limiter à la description technique du procédé (voir le lexique des termes techniques), mais se serait faire une véritable impasse sur le choc sensuel que j’ai ressenti lorsque j’en vis un pour la première fois, dans les années 80, et que je me décidais, ô combien ignorant des difficultés à venir, d’en réaliser moi-même…
Imaginez une sorte de photographie qui s’écrirait avec de la buée sur le miroir de votre salle de bain. Un passage du doigt dessus, et hop, voilà un trait noir sur la grisaille ! Une lumière qui s’allume derrière vous, et le trait devient clair ! Plus de lumière : plus rien ! Impalpable comme un fantôme, fragile comme la rosée.
Ce que l’on regarde sur un daguerréotype, protégé par un verre, est une plaque d’argent pur, polie comme un miroir. C’est bien une » buée » qui dessine l’image mais celle-ci est de mercure ! Sans le moindre pigment, un daguerréotype ne peut se lire que par la façon dont on l’éclaire. La lumière, tantôt réfléchie par les zones vierges et tantôt diffusée par la buée, fait apparaître une image d’une précision incroyable et toute variation d’angle de lecture ou de direction d’éclairage modifie l’aspect de celle-ci. Suivant son orientation, un daguerréotype peut se lire en positif tout aussi bien qu’en négatif et la délicate irisation de sa surface (comme sur les bulles de savon) fait apparaître des couleurs somptueuses. À première vue, le daguerréotype surprend par l’aspect » flottant » de son image et certains contemporains croient y voir comme une sorte d’hologramme. C’est cette infinie variation de lecture suivant l’angle d’observation qui en est la cause. De plus, le miroir que l’on observe, renvoyant également le reflet de votre visage, provoque une indécision de plan de lecture qui pourrait expliquer cette sensation de volume.
Pourquoi ai-je réveillé ce vieux procédé ? Cela m’est encore mystère. Ce que je peux dire c’est que le long chemin initiatique vers le château de cette princesse endormie est bourré de ronces et de dragons vénéneux. Le baiser pour réveiller la belle est froid comme le mercure. Peut-être ici les raisons de sa solitude…
Quelques ultimes sensations : les petites momies daguerriennes évoquent la nuit des temps, elles sont embaumées d’alchimies. La poussière qui les recouvre n’est pas d’ici, de la lune peut être…Environs 100 plaques 9 x13 cm., 18 x 24 cm., 20 x 30 cm. et assemblages » en mosaïques « . Daguerréotypes monotypes .
DAGUERREOTYPE (description simplifiée) :
Révélée par Louis Daguerre en 1839, cette technique d’enregistrement de l’image, à l’origine même de la photographie, est un procédé à tirage unique puisque non reproductible par duplication ultérieure. Sa réalisation consiste à utiliser une plaque d’argent (ou cuivre argenté) qui doit être finement polie de façon à lui conférer un aspect » miroir » limpide. Cette plaque est ensuite rendue photosensible par imprégnation aux vapeurs d’iode. Puis elle est placée au dos de la chambre photographique pour recevoir (via l’optique) la lumière provenant du sujet. Étant peu sensible (± 1 ASA), l’exposition est longue et se prête mal aux instantanés. Après cet enregistrement, l’image n’apparaît pas encore (elle est latente). Elle est révélée au-dessus de mercure vaporisé, qui dépose de microscopiques gouttelettes aux endroits mêmes où la plaque à reçu les informations lumineuses pendant la prise de vue. Le procédé est directement positif (lumière = mercure = blanc). Après le mercurage, l’iode restant est éliminé par fixage puis la plaque est ensuite délicatement virée dans un bain de sel d’or qui lui donne solidité et éclat. L’image doit cependant rester isolée des contacts physiques par un verre de couverture. Une fois protégé et clos, le daguerréotype est considéré comme extrêmement résistant au vieillissement.
How can one explain what a daguerreotype is? I could limit myself to describing the technique (see the glossary of technical terms), but that would tell you nothing of the sensual shock that I felt when I first saw one in the ‘80s, and decided, in blissful ignorance of the trials that awaited me, to make my own …
Imagine a photograph drawn in steam on your bathroom mirror. a stroke of the finger and, lo, you have a streak of black in the greyness! A light comes on behind you and the streak becomes light! Turn the light out and it’s gone. The daguerreotype image is as elusive as a ghost, fragile as dew.
What one is looking at in a daguerreotype is a silver plate polished as shiny as a mirror protected by glass. The steam in which the picture is drawn, is made of mercury. as it is entirely without pigments, a daguerreotype can only be read by lighting it. Light, reflected here by the clear areas and diffused there by the steam, brings out a picture of unbelievable clarity, that changes constantly when seen at different angles or lit from a different direction. according to its orientation, a daguerreotype can be read as a positive or as a negative, and the delicate iridescence of its surface, like a soap bubble, lends a wealth of sumptuous colours. At first sight, daguerreotypes strike you by the « floating » quality of their images, and some contemporary artists see them as a sort of hologram, because of the endless possibilities of reading them by changing the angle from which they are seen. moreover, the mirror that one sees will also reflect your face, distracting you from your intended reading of the image and perhaps explaining the impression of depth.
Why did I bring back to life this long-buried procedure? It remains a mystery to me. all I can say is that the path to the castle of the sleeping beauty is overgrown with brambles and there is a poisonous dragon round every bend. The kiss that awakens the princess is as cold as mercury. Perhaps that is why she is so lonely.
A few final thoughts: The small, daguerrean mummies, embalmed by alchemy, evoke the mists of time. The dust that covers them is not of this
world, but perhaps of the moon…